Comme tout le monde, sans doute, la nouvelle des multiples attaques terroristes menées à Paris ce 13 novembre par une bande de fanatiques sanguinaires m’est parvenue en cours de soirée.

Comme beaucoup, je suis resté hébété, incrédule. Puis j’ai tout laisser tomber pour tenter d’obtenir plus d’informations. Et savoir si mes amis parisiens ou de passage dans la capitale étaient indemnes. Tentatives un peu vaine, je m’en rends bien compte. En quoi le fait d’être plus ou mieux informé enlèverait-il quoi que ce soit à l’horreur? Qu’ai-je à y gagner en tant que spectateur passif ?

Contrôler, toujours contrôler

À l’heure actuelle, une seule réponse m’apparaît satisfaisante: j’ai tenté, comme tout le monde je pense, de reprendre le contrôle de la situation. Avoir l’impression d’être informé, de savoir ce qui se passe, permet de regagner un petit peu de ce sentiment de maîtrise dont nous avons besoin pour ne pas sombrer dans le désarroi, d’éviter que l’angoisse ne nous submerge. La réaction est instinctive, animale, et en même temps profondément humaine. Elle se manifeste aussi de manière symbolique dans les actions de l’État: dans le discours qui a suivi les faits, François Hollande a très rapidement annoncé qu’il avait ordonné la fermeture des frontières du pays. Pour empêcher les terroristes de sortir ? Pour en empêcher d’autres d’entrer ? Ou pour rassurer les Français et les Parisiens, englués dans l’horreur, et tenter de leur redonner un peu de courage ?

Les extrémistes prennent la parole.

Très vite, hélas, les discours haineux se sont enchaînés sur les réseaux sociaux. Chacun y allait de son couplet:

  • « tout ça, c’est à cause de ces réfugiés qu’on accepte à tour de bras, on vous avait dit qu’il y avait plein d’islamistes dedans ». Un homme politique français dont le nom m’échappe a bien essayé hier de faire remarquer que la panique qui a saisi Paris devrait nous amener à réfléchir sur la peur qui a pris les réfugiés aux entrailles lorsqu’ils ont quitté leur pays. Il a reçu plus de critiques et d’insultes que de félicitations.
  • « aux armes citoyens, formez vos bataillons, tuez du musulman », éructe un abruti sur son compte Twitter. Un de mes amis lui rétorque « ta gueule » (la riposte est certes abrupte, mais comment rester indifférent devant une telle haine). Sa réponse laisse pantois: « Toi, ta gueule je n’en donne pas cher. Demain on te flingue. Salopard. Je sais où tu es. La valise ou le cercueil, OK? »

Les autres aussi 🙁

Mais les autres, les ordinaires, les pas si extrémistes que ça, s’expriment à leur tour. Et chacun d’analyser les événements à l’aune du prisme de ses propres préoccupations politiques.

  • des amis juifs radicalisés par les 5 dernières années mettent l’attentat sur le dos du laxisme des autorités européennes, trop tendres avec l’islamisme radical.
  • les pacifistes soulignent qu’il s’agit là de la rétribution de la France pour avoir mené ou participé à des offensives militaires contre l’islamisme radical en Afrique et au Moyen-Orient

Une des réactions qui m’aura sans doute fait le plus mal est celle de certains de mes amis libertariens. « Si le port d’arme était libre », affirment-ils péremptoirement, « le massacre du Bataclan n’aurait jamais eu lieu. » Libertarien moi-même, je suis plutôt favorable à l’idée de relâcher les lois sur le contrôle des armes. Mais qui dit armes en circulation ne dit pas armes partout et tout le temps. J’imagine mal que le propriétaire d’une salle de concert ne prendrait pas des mesures pour interdire l’accès à sa salle aux porteurs d’armes à feu. Et puis, soyons raisonnables. Que peuvent quelques types armés de Glock et de Beretta contre une poignée d’abrutis bardés de ceintures d’explosifs et équipés d’armes de guerre? Bref, amis libertariens, je vous aime, mais votre prise de position est une insulte à l’intelligence et une tentative maladroite de récupération que je ne peux cautionner.

Exerçons notre liberté fondamentale

Notre vision du monde modèle donc dans une certaine mesure notre interprétation de l’actualité. Et plus cette actualité est frappante, plus notre réaction est viscérale. Ces attentats sont donc l’occasion pour nous de nous livrer à une petite introspection. Et de nous rappeler aussi que face aux événements, si tragiques ou révoltants soient-ils, il nous reste une liberté que rien ni personne ne peut nous enlever: choisir comment nous décidons de les interpréter. Et selon le choix que chacun d’entre nous fera dans le silence de son âme, les terroristes auront gagné ou perdu. Ne leur laissons pas cette chance.