Ces dernières semaines, il a été beaucoup question de ces collaborateurs flamands qui « avaient leurs raisons ». Et j’ai entendu beaucoup de politiciens francophones s’insurger, vociférer, et déclarer avec hargne qu’on ne peut pas dire ça et que la collaboration est INACCEPTABLE. C’est facile d’avoir du courage 70 ans plus tard. Mais, au-delà des beaux (ou laids) discours, qui peut dire avec certitude ce qu’il fera une fois immergé dans une situation difficile, face au dilemme entre sens du devoir et responsabilité envers sa famille ? Ce matin, j’ai pu voir ce qu’un tel choix signifiait aujourd’hui. 

Vous le savez sans doute, la situation au Burkina Faso est explosive ce matin. La colère des Burkinabè, qui gronde depuis bien longtemps sous le boisseau du régime, a finalement éclaté. Hier, des manifestants ont incendié le Parlement et saccagé les locaux de la RTB (la radio-télévision publique du Burkina). Ils ont eu gain de cause: en hâte, le gouvernement a retiré son projet d’amendement de l’article 37 de la Constitution qui aurait donné au président Blaise Compaoré la possibilité de se représenter aux élections présidentielles. Après la démission du gouvernement et des consultations avec l’opposition, l’armée a pris le pouvoir pour « assurer la transition ».

Le vrai courage

Lors d’un récent séjour au Faso, j’ai eu l’occasion de rencontrer pas mal de gens et de discuter politique avec eux. J’ai aussi vu naître quelques amitiés que j’essaie de cultiver malgré la distance et les difficultés de communication avec le pays (internet, au Faso, c’est quatre heures par jour quand tout va bien). Ce matin, donc, j’ai été tout content de voir qu’un de mes amis ouagalais était connecté sur Facebook. C’est un quadra respectable, père de famille, avec un bon job, ce qui n’est pas nécessairement évident au Faso. Après m’avoir rassuré sur sa situation, nous avons brièvement discuté de la situation.

Lui: La journée d’aujourd’hui sera déterminante pour le Faso

Moi: C’est ce qu’il semble, vu d’ici. Si je comprends bien, l’armée a pris le pouvoir mais Blaise Compaoré n’a pas démissionné?

Lui: L’armée fait dans le flou total, comme si le message de la population n’était pas clair. Elle nous a fait perdre du temps hier. Aujourd’hui non. C’est décidé!

Moi: Vous partez manifester ?

Lui: Oui, Fred. Je me fais un bon petit gueuleton, puis je file à la place des Nations avec ma caméra et mon sifflet.

 

Pour moi, le courage, c’est ça. Un père de famille qui s’en va, malgré les risques, braver la police et l’armée pour faire changer la situation dans son pays. Chapeau bas, mon ami. Que Dieu te garde.