Il y a quelques semaines, c’était encore l’été. Pas cet horrible mois d’août aux relents moisis de novembre pluvieux, mais un bel été dont les soirées appelaient aux soirées barbecue.

Confortablement accoudé au balcon de la terrasse d’un appartement bruxellois, je savourais la douceur vespérale en devisant avec un ami. En vieux complices, nous sautions joyeusement du coq à l’âne au gré de nos envies. Comme souvent, la conversation prit inopinément un tour plus sérieux. Sujet de notre débat: les phobies.

– Dis-moi, pourquoi t’amuses-tu à enlever et remettre cette bague au-dessus du vide?

– J’essaie de me « désensibiliser » progressivement de ma phobie du vide. Là, on est au huitième étage, donc pour moi à une hauteur inquiétante. Fa

ire ce geste au-dessus du vide active ma peur, mais à faible intensité. Du coup, je peux travailler sur les croyances qui fondent cette peur en les confrontant à la réalité. Et réaliser peu à peu que ma peur n’a aucun fondement.

– OK, mais tu as peur de quoi exactement? La phobie du vide, c’est un joli mot pour désigner le vertige, non?

– Quand tu as le vertige, tu as juste peur de tomber. Quand tu souffres d’acrophobie, tu as peur de sauter.

– Je vois…

À cet instant, quelqu’un jeta une cigarette par-dessus le balcon. Nous observâmes la chute du mégot incandescent.

– Et ça, ça réactive ta peur?

– Oui

– Et tu as peur de ?

– Sauter ou tomber avec le mégot.

– C’est marrant. Moi, je souffre plutôt d’angoisses irrationnelles. Du coup, pendant que tu avais peur de sauter, je me faisais des scénarios catastrophe: et si ce mégot tombait sur un sol trop sec et allumait un incendie…

Paul Watzlawick, un des fondateurs de l’école de Palo Alto, était fasciné par le décalage qui peut exister entre la réalité et la perception qu’en a l’individu. Difficile d’en trouver meilleure illustration…